REPORTER DE LA PRESSE DANS LA GRANDE GUERRE (1914-1918)
L’importance de la guerre de 1914-1918 dans l’histoire de la presse est considérable : non seulement parce qu’elle bouleversa la vie des journaux et, au moins en France et en Allemagne, provoqua une brutale rupture de l’évolution antérieure, mais aussi parce qu’elle révéla dans un monde qui, acquis aux idées libérales l’avait oublié, la puissance de la propagande dont les régimes totalitaires firent par la suite un usage effrayant. »
Les difficultés matérielles et le mouvement de concentration Si, aux États-Unis et en Angleterre, la guerre eut surtout pour effet d’accroître le tirage des journaux par l’intérêt que ce formidable événement suscitait, sur le continent européen, elle créa aux journaux des difficultés considérables.
Les ressources publicitaires disparurent pratiquement, les imprimeries et les rédactions se vidèrent de leur personnel mobilisé ; le papier se ft rare et l’on dut en revenir à quatre et même deux pages.
En France la diffusion posait des problèmes très graves car le réseau ferré était surchargé par les divers transports militaires.
Malgré la réduction des frais consécutive à la réduction de la pagination, la montée des prix et en particulier celui du papier conduisit à une augmentation du prix de vente qui réduisit considérablement la diffusion. (En septembre 1917, les quotidiens français durent passer à 10 centimes.) »
LA CENSURE DE LA PRESSE
Au début de la Grande Guerre, le gouvernement renoue avec la censure. Comment expliquer que la presse française, première du monde par son lectorat et entièrement libre depuis la loi du 29 juillet 1881, accepte cette mesure préventive ?
Les patrons de presse acceptent la censure parce que la France entière participe à l'effort de guerre. Cet effort nécessite des sacrifices.
La presse se plie donc à la censure militaire et diplomatique, mais pas à la censure politique. Les journaux ont le droit de critiquer la façon dont le gouvernement conduit la guerre. En revanche, il est interdit d'évoquer les opérations militaires sur le terrain.
Les journaux appliquent ces règles, partant du principe que dévoiler certaines informations pourrait favoriser l'ennemi. Ça ne choque pas, parce que le souvenir de la guerre franco-allemande de 1870 est très fort : un article publié à l'époque par Le Temps aurait permis à l'état-major allemand d'anticiper le mouvement de l'armée de Mac-Mahon qui voulait porter secours à celle de Bazeine enfermée dans Metz.
LA PROPAGANDE DANS LA PRESSE
Les périodes de guerre sont toujours favorables à la presse : les lecteurs se précipitent sur les journaux pour avoir le maximum d'informations.
Le problème, en août 1914, c'est qu'il y a une pénurie d'information. Les premières semaines de la guerre sont marquées par une période d'improvisation : les journalistes peuvent encore se déplacer sur le front, ce qui permet à Albert Londres de faire son article sur Reims en flammes.
Mais, très vite, ce type de reportage devient impossible. Qu'ont les journaux à leur disposition ? Trois communiqués laconiques de l'état-major par jour.
A partir de là, on brode. Les journaux, comme le reste de l'opinion, souhaitent à ce point la victoire qu'ils en rajoutent.
Il est toutefois difficile d'affirmer qu'il y a une volonté d'instaurer une propagande délibérée. C'est plus une succession de dérapages de la profession. Tout le monde est plongé dans le même imaginaire : la France est victime, la France est attaquée, la guerre va être courte, il faut participer à l'effort de guerre. D'où les « bobards ». D'où le bourrage de crâne.
LE MENSONGE - BOURRAGE DE CRÂNE DANS LA PRESSE
La question des bobards a surtout été mise en valeur après la guerre par les milieux pacifistes. Elle n'est pas nécessairement ressentie de cette manière à l'époque.
Certains titres de presse sont truffés de bobards, mais ils ne sont pas si nombreux que ça.
Par exemple, Le Matin titre en septembre 1914 sur la victoire de la Russie sur l'Autriche-Hongrie.
Le rouleau compresseur russe marche sur Berlin et va balayer l'Allemagne.
La désinformation, plus que la propagande, se manifeste de deux manières.
D'abord, il y a des reportages à l'arrière parmi les convois de blessés. Les articles décrivent des blessés qui ont le moral et qui plaisantent, qui ne pensent qu'à retourner au front.
Ce n'est pas complètement faux, mais on en rajoute.
Il y a également des consultants : des anciens militaires qui sont invités à analyser la guerre. Chaque quotidien a son expert militaire qui étale sa science.
Tous affirment que la France est en train de gagner. Ils s'expriment, alors qu'ils ne disposent pas d'informations précises. Ils en savent autant que les journalistes.
En raison de la censure, ils se doivent de rester vagues. Ainsi, le général Bonal explique, dans Le Matin, que les soldats allemands sont harassés de fatigue et crèvent de faim.
De même, le général Berthaut dans Le Petit Journal et le général Cherfils dans L'Echo de Paris accréditent les thèses officielles : quand les Français reculent, c'est forcément une retraite stratégique, quand les Allemands lancent une offensive, ça ne donnera rien parce qu'ils sont déjà épuisés.