LA PHOTOGRAPHIE MILITAIRE - GUERRE 1914 / 1918
Le port et l’usage de l’appareil photographique est réglementé dès 1914 dans la zone des armées et il est, officiellement, impossible de s’improviser photographe sans autorisation.
Pourtant lorsqu’en 1915, il est question de créer une section photographique de l’armée (SPA), la composition de l’équipe des photographes, non qu’elle soit secondaire, semble alors symboliser à ce moment une tâche et un savoir-faire entièrement réservés aux professionnels des maisons photographiques civiles. Rapidement, l’équipe évolue et la SPA s’y implique et s’y impose de plus en plus en exigeant notamment que les photographes soient tous militaires.
Cet article propose de revenir sur leur recrutement, leur formation au sein de la SPA, leurs contraintes matérielles et techniques et enfin le déroulement type de leur mission.
Tous ces éléments mettent en valeur le métier de reporter militaire et l’effort collectif d’une équipe de techniciens professionnels dans une logique de propagande patriotique.
Certes, ce patriotisme créé la SPA, mais les intérêts patrimoniaux du sous-secrétariat des Beaux-arts la projettent dans le long terme.
LES PHOTOGRAPHES MILITAIRES
L’origine des reporters est difficile à cerner. Ces hommes certes militaires, ne sont pas gradés.
Retrouver leurs traces dans les archives est difficile puisque pour ce faire, il est indispensable de connaître le département de leur lieu de recensement.
En outre, les archives départementales ne délivrent qu’un état signalétique et des services comportant des informations succinctes : noms et domicile des parents, adresse et profession au moment du recensement, signalement physique, noms des différentes affectations, campagnes, décorations et blessures.
Les photographes de la SPA sont assez caractéristiques. Ce sont avant tout des soldats qu’ils soient rattachés ou non à une maison photographique civile.
Du service auxiliaire, leurs cas ont été examinés par les commissions chargées de faire appliquer la loi Dalbiez en août 1915 puis la loi Mourier en août 1917, destinées à chasser les embusqués.
Ils sont polyvalents et il arrive qu’ils passent de la caméra à l’appareil photo, des laboratoires au front, tout en suivant une formation interne. Ils sont intégrés dans une structure beaucoup plus large, dans laquelle évoluent des techniciens et des secrétaires. En effet, le photographe n’effectue pas lui même ses développement, ni ses retouches
LE MATERIEL - APPAREIL PHOTOGRAPHIQUES
Le matériel est l’une des principales préoccupations des responsables de la SPA.
D’ailleurs, lors de la signature du contrat avec la CSP, celle-ci était tenue de fournir « tout le matériel voulu ainsi que les plaques nécessaires à la prise des vues photographiques sans limitation de nombre »28, le sous-secrétariat des Beaux-arts tenant à la disposition de la section son matériel de laboratoire. Il est entendu, d’un commun accord entre la CSP et la SPA, que les opérateurs des maisons travaillent avec leurs propres appareils.
Qu’en est-il exactement de la période qui suit ?
Lorsque le contrôleur adjoint Jaillet rédige son rapport, il préconise, conjointement à la rupture du contrat avec la CSP, que la SPA achète ses propres appareils photos : « Faire acheter, par le service dès qu’il le pourra tous les appareils photographiques qui lui sont nécessaires, de façon à le rendre indépendant des hommes qu’il emploie comme opérateurs et à éviter les inconvénients d’ordre disciplinaire et administratif qui peuvent résulter des errements actuels. »
Aucun bon de commande ou facture concernant les appareils photographiques n’a été référencé dans les éléments comptables du fonctionnement financier saisis dans les différents rapports sur les résultats et le fonctionnement du service.
LES PLAQUES NEGATIFS PHOTO
Quant aux plaques 13x18 cm, elles sont prises à partir de matériels montés sur trépied comme cette chambre pliante de voyage pesant 2,190 kg.
Le poids du matériel explique à lui seul pourquoi la majorité des plaques de verre rapportées par les opérateurs de la SPA est de format 6x13 cm. Le matériel peut-être certes contraignant mais le poids du verre des négatifs l’est encore plus.
Le tout est d’ailleurs transporté dans un sac de modèle standard décrit par le manuel du photographe amateur en 1911 : « Il se compose d’une boîte en carton recouverte d’une forte toile grise, noire ou jaune, et garnie à l’intérieur de molleton rouge.
Deux courroies en cuir et un système de crochets permettent de le porter à volonté, en bandoulière, en sac de soldat ou à la main. »
Chaque format possède une appellation propre.
Ainsi, la demi-plaque désigne le format 13x18 cm, le quart de plaque le 9x12 cm, le 18x24 cm la plaque entière, le 8x9 cm (ou 8x8 cm) le format de projection et le 6x13 cm (ou 9x18 cm) le format stéréoscopique
LA MISSION DU PHOTOGRAPHE
Le transport du photographe est assuré entièrement par l’armée.
Un reporter ne partant jamais de lui-même en mission, son déplacement répond irrémédiablement au même enchaînement d’ordres.
Les directives viennent toutes du ministère de la Guerre qui reste le commanditaire principal de la SPA même s’il officie également à la demande d’autres ministères.
Les correspondances reçues par la SPA pour passer commande de reportages n’ont pas toutes été conservées, cependant la liste des commanditaires ministériels est facile à établir au travers de la liste des travaux dans les différents rapports d’activité de 1917 et 1918
Ces documents réunis, le départ en mission est envisageable.
Les opérateurs possèdent, en outre, une pièce d’identité justifiant de leur appartenance à la section photographique de l’armée.
Les missions des opérateurs se déroulent soit dans la zone de l’intérieur (comme la mission présentée précédemment), soit dans la zone des armées.
À l’image de la lettre d’introduction ou de la commande concernant les femmes des usines d’artillerie, aucune consigne particulière ou formalité de prise de vue n’est précisée.
L’opérateur semble tout à fait libre dans le déroulement de sa mission, ce qui n’est pas le cas lorsqu’il doit se rendre dans la zone des armées.
Les missions dans cette zone sont différentes et obéissent à beaucoup plus de formalités et de contrôles qu’à Paris. En effet, chaque voyage ou départ du photographe dans cette zone se fait toujours après qu’il y a eu entente entre le cabinet du ministre, plus précisément le bureau des informations à la presse, et le Grand Quartier général (GQG).
Ensuite, le bureau des informations donne les ordres de départ à Pierre Marcel Lévi et fait établir simultanément les ordres de transport pour les opérateurs.